Que rien ne change pour que tout change
Retour sur le terrain après quelques années d’absence : flemme, certitude de savoir, habitudes confortables…et puis l’envie impérieuse de retourner « voir et vivre » les Jeunes de 2020, les « Catalystes » (qualificatif pour les « Volontaires » LP4Y), ressentir leur engagement dans leur mission, individuelle et collective.
Mon choix du Népal pour destination est en lien avec les actions menées par LP4Y Luxembourg dans ce pays, qui fête cette année le 45ème anniversaire de la diplomatie entre le Népal et le Luxembourg, (une visite officielle entre le chef de la diplomatie luxembourgeoise, Jean Asselborn, avec son homologue Pradeep Kumar Gyawali, ministre des Affaires étrangères du Népal a eu lieu peu après mon départ).
C’est également pour partager un peu de la vie de ma nièce Pauline Delaporte qui achève sa mission de coordinatrice Inde/Népal avant de se reconvertir dans la gestion cruciale et exigeante du capital humain de LP4Y, une des clés du mouvement LP4Y !
Premier contact, sous une pluie torrentielle (il ne pleut parait-il jamais à cette période de l’année) avec Katmandu, non pas ce charmant petit village que l’on s’imagine blotti au pied de l’Everest, mais une vraie grande ville d’1M d’habitants sans architecture définie, encore fortement marquée par le séisme de 2015, très polluée et poussiéreuse où se mêle anarchie de la circulation et gentillesse d’une population plutôt cool.
Les Catalystes actuels, Valentine, coach du LPC Sinamangal, Clarisse venue donner un coup de main à la préparation d’un prochain Y4CN et Pauline, sont logés dans un petit appartement proche de l’aéroport et du slum de Shantinagar au milieu duquel le LPC est présent comme il se doit ! C’est sommaire mais suffisant, sans confort excessif d’ailleurs généralement méconnu localement : pas d’eau chaude (on fait chauffer la marmite) ni chauffage alors qu’il fait de 2 à 4° la nuit. Ces conditions spartiates restent quand même bien éloignées de celles dans lesquelles vivent les Jeunes qui viennent au LPC et je n’ai jamais ressenti la moindre récrimination mais plutôt la joie de partager un logement et de vivre dans des conditions simples comme les habitants voisins. J’occupe une des 3 chambres et retrouve bien des aspects de ma vie étudiante déjà lointaine : cela fait du bien et rajeunit !
Life Project Center de Katmandu
L’après-midi de mon arrivée, visite du Life Project Center (LPC) situé entre la rivière Bagmati et l’aéroport de Katmandu, il est implanté au sein du bidonville de Jagritinagar, un des quartiers les plus pauvres de la capitale. Il accueille quotidiennement une dizaine de Jeunes femmes motivées (1ère session), qui suivent le programme de formation traditionnel tandis que leurs bébés jouent ou dorment dans la pièce attenante sous la surveillance d’une nurse. Plusieurs d’entre elles ont déjà trouvé un travail à l’issu de leur formation !
Je retrouve tous les rituels des LPC : présentation de chacune ainsi que du visiteur que je suis, questions, éclats de rire, établissement du planning de la semaine dont une journée de recrutement pour essayer de renforcer l’équipe et nettoyage du centre (on est Vendredi !). Dans cette excellente ambiance, j’explique que prochainement une salle informatique sera mise en place au LPC, grâce au 1er prix dans la série « intégration, 100% volontaire » obtenu par LP4Y au Luxembourg lors des ING Solidarity Awards 2019, une belle manière d’ouvrir les portes du Digital aux Jeunes femmes issues de l’exclusion. Seule évolution visible : aucun garçon, rien que des filles : choix délibéré sans lequel le LPC n’aurait pu ouvrir car contrevenant aux mœurs locales et à l’assentiment des familles.
Green Village Budhamikhanta
Le Green Village Budhamikhanta attaque la 3ème semaine de son 1er batch. Une vingtaine de Jeunes filles (20 ans d’âge moyen), partie de la campagne environnante, partie venant de Pokkara (SOS Bahini : organisation de F.Prum/CHL Luxembourg), vont vivre en résidentiel 3mois ½ de formation, suivant ainsi la nouvelle formule GV inaugurée à Raïpur en Inde. Très bonne impression tant des locaux, fonctionnels et lumineux, que de l’esprit qui règne dans le groupe. Là aussi, pas de garçons actuellement…Ne troublons pas la période de démarrage !
Le programme de « découverte pratique de l’Entreprise », objectif du programme de formation, mis au point par Gaëlle et déjà pratiqué à Raïpur, est étonnant de clarté et d’inventivité : Il s’agit pour les Jeunes qui viennent de loin, de plonger dans le concret, encadré par les coachs, en créant ex nihilo, 4 Compagnies de service, dont une banque utilisant la monnaie fictive crée pour la nécessité, le Green, pouvant satisfaire les besoins du GV. Tout y passe : rachat des stocks, définition des activités commerciales, investissements complémentaires nécessaires à l’activité, détermination du CA prévisionnel, besoins de financement, amortissements, calcul de marge…Chaque « Compagnie » établit son organigramme et chacune hérite, comme elles le sentent, d’une responsabilité précise.
C’est une sorte de « grand jeu » qui se déroule sur 3 mois en temps réel, chacun exerçant un « métier », une responsabilité en interaction avec tous les autres. Vu l’implication immédiate des participantes et leur rapidité de compréhension ainsi que la motivation des encadrants, un par Compagnie, je n’ai aucun doute sur la pertinence de la méthode et sur les résultats à l’issu du programme. Un bel exemple de « Together We Can »
Après-midi visite du terrain sur lequel, après décision d’attribution définitive, devrait se construire les bâtiments du Green Village. LP4Y Luxembourg a déposé un dossier de financement auprès du Ministère des Affaires étrangères et Européennes du Luxembourg (MAEE). L’exposition et la vue sont magnifiques !
Je fais la connaissance de Pramod, mari de Saru, présidente de LP4Y Népal. Absolument charmant et dévoué à LP4Y : un support solide tant pour l’association que pour l’équipe des Catalystes. C’est important pour tous.
Life Project 4 Youth (LP4Y)
Ce court séjour auprès de la structure Népalaise me laisse une belle impression tant au niveau du Life Project Center que du Green Village qui impulse, avec énergie, les éléments de compréhension de ce qu’est une entreprise à des Jeunes qui, pour la plupart, n’en avaient jusque-là aucune idée !
La qualité des coachs : Lucie, Julie, Liza (en renfort du GV du delta du Mékong) ainsi que les 2 Népalaises, leur enthousiasme, l’esprit positif qui règne entre elles, y est pour beaucoup dans le succès de l’ensemble : qu’elles en soient remerciées ! Je tiens à souligner le rôle essentiel de ces deux Népalaises qui assurent, avec intelligence et à propos, les indispensables traductions et suivent en permanence les Jeunes. Leur action permet de gagner un temps précieux et de « déminer » des situations particulières. De grande qualité, heureuses dans leur travail et bien adaptées à l’esprit LP4Y, elles méritent d’être soutenues et poussées.
10 ans après mes premiers pas aux Philippines en compagnie de laure et Jean-Marc, omni présents auprès des premières équipes pour animer, former, organiser, je retrouve toutes les valeurs qui font la richesse de LP4Y. Elles ne se sont pas diluées dans l’expansion rapide du mouvement, elles ont été transmises et assimilées, sans déperdition sensible, par les centaines de Catalystes qui se succèdent d’année en année. C’est impressionnant pour un observateur de long terme. Ce qui me frappe le plus c’est le « sens de la responsabilité » de chacun quel que soit sa fonction : coach de LPC, leader de GV, coordinateur pays, fonctions transverses, Y4CN, YIN, communication…C’est pour moi ce qui, aujourd’hui, fait la vraie force de LP4Y :
« Un mouvement de Jeunes pour les Jeunes et par les Jeunes »
Je reste dans l’idée que comprendre LP4Y c’est y aller, partager la vie d’un LPC, échanger avec les équipes. Favorisons, par tout moyen, ce rapprochement des hémisphères pour décupler la compréhension et l’efficacité de nos actions en direction des Jeunes exclus : Ils ont plus que jamais besoin de nous.
Jean-Marie Demeure, vice-président LP4Y Luxembourg
Népal du 16 au 28 Janvier 2020